Vidéo : La Russie en position de force

Barbara Lefebvre : Poutine est en position de force

pour l’historienne et géographe : “C’est une affaire entre les Russes et les Ukrainiens, qu’on les laisse se débrouiller.”


L’Occident commet l’erreur d’aborder la politique internationale selon ses critères,Une nouvelle présidence russe entraînerait vraisemblablement un signal favorable à de nouvelles relations avec la Russie. ne voit donc pas les réalités en face et refuse de nommer explicitement ses adversaires. Croire que Poutine n’attaquerait pas l’Ukraine a mis en exergue de façon éclatante ce travers de naïveté et d’aveuglement, ainsi que la méconnaissance et l’incapacité à comprendre la vision que le leader du Kremlin a du monde.
La réaction européenne est d’ailleurs très révélatrice, puisque ni l’UE dans son ensemble, ni ses États membres, n’ont été capables d’anticiper, ni même d’envisager le scénario d’une invasion russe de l’Ukraine. La conséquence de cela – comme par ailleurs dans la gestion de la crise de la Covid-19 – montre un manque flagrant de coordination, une absence de préparation.

Les erreurs semblent se répéter et Poutine peut atteindre ses objectifs : élimination du gouvernement ukrainien, démilitarisation et affaiblissement de l’Ukraine, et surtout réalisation du rêve de contrôle de tout le Donbass, faisant de la Mer d’Azov une mer intérieur – ce qui sous-entendrait éventuellement de pousser l’invasion militaire jusqu’à la frontière moldave et la Transnistrie.
Poutine est, de plus, loin d’être isolé : si 141 pays ont condamné l’invasion russe, 5 pays ont voté contre cette condamnation, et 35 pays, dont la Chine et l’Inde, se sont abstenus. En d’autres termes, 40 pays n’ont finalement pas condamné cette intervention, sans parlé de ceux qui, bien que l’ayant condamné, n’imposent pas de sanctions. L’unanimité est donc bien loin d’être une réalité.
En outre, la Russie siège à la table des grandes puissances et est incontournable en politique internationale. Depuis Moscou, Poutine a œuvré, conjointement à la Chine, à faire reculer l’ordre libéral, et cette stratégie fonctionne : les démocraties sont en crise et les régimes autoritaires plus nombreux aujourd’hui qu’il y a 15 ans – et en augmentation constante.
Avec Xi Jinping, Poutine se veut l’avant-garde d’une contestation, d’une destruction même, de cet ordre né en 1945 et renforcé en 1990. Le monde se retrouve divisé en trois groupes : les démocraties – ou prétendues telles – les régimes autoritaires, et les pays qui alternent entre les deux.
A l’horizon 2024, Poutine pourrait faire sortir la Russie de son relatif isolement et selon ce scénario, le chef du Kremlin placerait à la présidence un proche issu des siloviki, ou de la génération suivante, lui se positionnerait alors à la tête du Conseil de sécurité, ce qui lui assurerait le contrôle sur les grands dossiers sécuritaires et sur les affaires étrangères.

Si pour certains ces scénarios sont dignes d’un roman de science-fiction, un bon stratège se doit d’envisager toutes les possibilités, et d’éviter l’illusion qui consiste à penser qu’ignorer les scénarios les plus déplaisants permet de nous prémunir de leurs réalisations. Ne pas être d’accord, ou ne pas encourager, un ordre international selon les visions russes ou chinoises est une chose, mais ignorer ces mêmes visions du monde ne peut que mener à davantage de conflits.

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